L'étudiant Kmer en France

Dans ma série de témoignages sur la vie de l'étudiant Kmer dans le monde, je vous propose aujourd'hui ce récit ,rédigé par une très bonne amie, et qui se veut super détaillé , très bien structuré et complet sur la vie de l'étudiant Kmer en France.
Bonne lecture et si vous avez des questions, n'hésitez pas.
Nzuimanto




Etre étudiant camerounais en France

A bien y regarder, l’obtention du visa n’est peut-être pas l’épreuve la plus terrible pour celui qui désire faire ses études en France ; et ça, on l‘apprend très vite à ses dépens. Bon avouons tout de même que les conditions de délivrance du sésame sont de plus en plus restrictives, les seuls critères de l’existence des ressources financières exigées, d’une préinscription voire d’un beau réseau de « relations » n’étant plus des garanties parfaites…

Tous ces concitoyens qui à l’époque faisaient la queue devant Consulat général de Douala, la plupart dormant sur place pour espérer pouvoir rentrer défendre leur dossier ; puis le même scénario devant la Coopération française à Yaoundé pour le pays de Nicolas Sarkozy ou d’une Marine Le Pen. La seule étape faite en petit comité étant la visite médicale auprès du médecin attitré sis à l’époque dans le quartier huppé de la capitale économique, Bonapriso. Aujourd’hui, il paraît qu’il faut téléphoner et prendre rendez-vous, soit !

Une fois toutes ces formalités accomplies, direction l’aéroport Roissy Charles de Gaulle (CDG pour les initiés) puis une gare SNCF pour ceux qui ne restent pas sur Paris, ensuite c’est le passage à l’Université selon les cas, pour valider votre préinscription et pour peu que le temps vous joue des tours, déjà la rentrée ! Aujourd’hui, la procédure pour les Universités est un peu différente on vous parle de déclaration d’admission préalable (DAP), des espaces Campusfrance à procédure Centre pour les études en France (CEF), de timbre de l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII) pour convertir son visa long séjour en titre de séjour.

Seront dispensés de l’inscription sur le site campusfrance.org les étudiants qui veulent rentrer dans un cycle supérieur ainsi que ceux souhaitant s’inscrire dans une Grande École, un établissement privé, un Institut universitaire de technologie (IUT) ou une Section de techniciens supérieurs (STS) car ils doivent s’adresser directement à l’établissement choisi. Enfin, ne vous y méprenez pas, la justification des revenus mensuels (environ 430 €) reste un point essentiel tout au long de votre séjour sur le territoire, mieux vaut le savoir d’entrée de jeu !

Ceci étant dit, il faut savoir qu’il ya environ 83 universités publiques en France pour un tout aussi grand nombre de filières d’où l’existence de classements le plus souvent par formations, une multitude d’écoles de commerce à la scolarité plus que dissuasive sauf à avoir les moyens de sa politique, de nombreux lycées qui proposent des BTS, mais aussi des structures plutôt intéressantes du type IAE (Institut d’Administration d’Entreprises qui dispensent à peu près les mêmes formations que les Ecoles Supérieures de Commerce mais à un prix fac).

Il ne suffit donc pas de savoir ce qu’on veut faire, il faut penser stratégie :

  -   filière à débouchés (informatique, contrôle de gestion, droit*, économie, IUT, médecine-pharma etc…);

-       établissement ou université classé(e) ;

-       stages dès la 3^e année (étant donné le système LMD) ça fera la différence en Master 2 pour la fin des études notamment ;

-    séjours linguistiques à l’étranger (peu importe la filière envisagée au moins l’anglais devra être maîtrisée).

A ce stade, il convient d’attirer l’attention sur le fait que beaucoup de parents ne peuvent suivre financièrement tant ces frais combinés au coût de la vie écrasent le Franc CFA ; heureusement, diront certains que la législation permet de travailler 946 heures/an à côté de ses études. Mais attention, le risque d’un impact sur ces dernières n’est pas nul or, si vous êtes en France ce n’est pas pour bosser au McDo / chez Zara ou donner des cours / faire du babysitting, mais pour vos études et on ne manquera pas de vous le rappeler à la préfecture. En effet, tout étudiant étranger n’est a priori autorisé à redoubler qu’une fois, le subterfuge qui consiste à changer de filière ne m’étant pas long feu ; il en ira du renouvellement de votre titre de séjour.

En somme, le « parfait étudiant camerounais» en France serait celui dont les parents peuvent au moins assurer les frais universitaires pour que ses heures de « job » soient réduites au minimum tout en permettant de payer son loyer (résidence universitaire, chambre chez l’habitant, studio auprès d’un privé) quand il ne vit pas chez un oncle ou une tante qui ne profite de lui ( il y a des exceptions mais comme toujours, elles sont rares), de s’octroyer quelques menues distractions (ciné, piscine ou autre activité sportive hors SUAPS, McDo ou KFC etc….). Mais voilà, ça c’est dans le meilleur des mondes, or nous savons tous que celui dans lequel nous vivons est loin d’être meilleur !

Tout le monde ne trouve pas de travail compatible avec ses études alors bonjour les découverts et autres interdits bancaires (l’argent est un loup pour l’étudiant les amis), tout le monde ne se fait pas forcément des potes là bonjour la solitude (cause de dépression et autre mal être), tout le monde n’a pas de professeurs pas racistes d’un poil (vive la France à deux visages, pays des droits de l’homme où vous n’êtes souvent personne pour ne pas dire rien!).

Malgré cela, beaucoup réussissent tout de même leurs études déjà parce que oui, disons-le nous sommes des CAMEROUNAIS dont le système scolaire forme quelque part à affronter les études supérieures, à qui Dieu a donné certaines facultés et que nous savons être persévérants pour nombre d’entre nous. D’ailleurs, des statistiques du Ministère de l’Intérieur nous classent bien haut dans le palmarès des africains les plus diplômés (au fait, nous sommes tous fichés), des « longs crayons » comme on dit. Mais entendez que cela ne vous prépare pas à la suite !

La suite c’est que travailler en France après ses études ne va pas de soi ; en effet, le législateur a pris ses dispositions pour nous « inciter » à retourner développer notre pays ce qui n’est pas une mauvaise idée, mais encore faut-il qu’il y ait moyen de rentrer pour tout le monde. Voilà, le titre de séjour qu’on obtient de fait en entrant « légalement » en France ne permet pas ipso facto d’exercer une fonction sur le territoire, il est nécessaire d’effectuer un changement de statut et c’est ici que tout commence ou plutôt se gâte.

Les modalités de ce changement de statut sont les suivantes :

-       décrocher une promesse d’embauche pour un poste correspondant à la filière suivie en études (les informaticiens et contrôleurs de gestion pour ne citer que ceux-là y arrivent un peu plus facilement sous réserve)

-       l’entreprise qui entend vous embaucher doit justifier qu’aucun français inscrit au Pôle Emploi n’a les compétences requises pour ce poste car il est prioritaire par rapport à nous (ça se justifie un peu mais vraiment juste un petit peu)

-       ensuite la même entreprise doit vous accompagner dans la procédure en vous remettant les documents demandés ainsi qu’en s’acquittant des frais afférents à ladite procédure (là sachez que très peu vont jusqu’au bout pour nous)

-       la préfecture vérifiera minutieusement votre dossier car tout ce qui précède ne garantit pas d’office l’octroi du statut travailleur ; pour peu que la rémunération que l’on vous propose soit inférieure au barème fixé par l’Etat, ou que le descriptif de vos missions ne cadrent pas tout à fait avec l’intitulé de votre poste etc… la préfecture peut rejeter votre demande : autant donc dire que tout ceci est fort subjectif et que très peu d’entreprises sont patientes face à ces tours de passe de passe politico-politiques.

Oui, parce qu’ici tout est politique! Il est important de savoir que la région dans laquelle on réside est de droite (UMP, parti au pouvoir), de gauche (PS, ces gentils mais faux cul), d’extrême droite (Front national, ces réfractaires à l’étranger quel qu’il soit mais dans le respect de la dignité humaine « bien sûr »). On vous dira qu’aucun de ces partis n’est raciste ce qui est vrai parce que c’est la France dans son ensemble qui l’est.

 Rester en France après ses études est un vrai parcours du combattant. Certains parviennent à s’expatrier en Angleterre, au Canada ou encore aux USA, Belgique etc… dans l’espoir d’un « Eldorado » meilleur ou tout simplement moins trompeur que ce pays qui se réclame amie de l’Afrique et veut la protéger de l’invasion chinoise entre autres. Le pire c’est que même après que vous obtenez la nationalité pour X ou Y raison, on vous demandera toujours d’où vous venez pour vous dissocier de cette belle France libre, égale et fraternelle.

Il convient alors de finir cet article en disant qu’il faut choisir de venir en France en connaissance de cause ; on peut s’en sortir parce qu’il y en a qui s’en sortent, mais il y a aussi ceux qui galèrent car loin d’être non diplômés, la réalité est juste que le moment venu ce ne sont pas leurs compétences qu’on mettra à l’épreuve, mais leur couleur de peau / origine ou autres excuses discriminatoires. S’il fallait pour finir donner quelques conseils à ceux qui veulent venir ici, ce serait :

-       préférez un pays anglo-saxon si vous en avez les moyens, ils ont plus pragmatiques là-bas

-       si vous maintenez votre choix pour la France, oubliez les filières-chômage de type sociologie, lettres modernes ou langues sauf si derrière vous envisagez une Ecole de commerce ou Sciences Po ;

-       ne vous focalisez pas sur Paris, on fait aussi de bonnes études en province (Lyon, Toulouse, Lille, Nantes…) ;

-       donnez-vous les moyens de votre politique et mettez toujours la barre haute pour rebondir en cas de mauvaise surprise (i.e. visez 15 de moyenne parce que vous en aurez 12, ayez des valeurs essentielles dans votre vie, la foi, du courage, du répondant, soyez vrai mais surtout vous-même…);

-       soyez stratégiques et prévoyez des plans C et B.

Peut-être qu’un jour prochain le berceau de nos ancêtres sera aussi un pont jeté vers un avenir national, et que ces mots de John Fitzgerald Kennedy « Ne te demande pas ce que ton pays peut faire pour toi, mais demandes-toi ce que tu peux faire pour ton pays.» se substitueront à tout rêve de l’Occident!




Dioh